
Un film de Lee Man-Hee
Corée du sud, 1975
V.F. : La Route vers Sampo


Je n'ai pas mentionné les années 70. Le gouvernement très autoritaire de Park Chung-Hee contrôlait la production cinématographique du pays et de toute apparence il s'agit d'un grand désert peuplé de quelques films de propagande. Mais si c'était faux? C'est peut-être tout simplement une décennie obscure et inexplorée, et il y existe peut-être des exceptions.
La Route vers Sampo en est peut-être une. Oeuvre posthume du réalisateur Lee Man-Hee (Black Hair,1964), il y est question d'un trio de vagabonds qui se rencontrent et partent en road-trip à pied vers la ville d'origine d'un des trois. Sur la route, ils s'amusent, se querellent, cherchent à manger... Pour éviter de devoir faire un film de propagande, l'issue était de faire l'adaptation d'une oeuvre littéraire. Il s'agit ici d'un choix inspiré qui se prêtre à une expérience très visuelle.


Nos trois personnages sont un peu fêlés, marginaux, sans emploi et sans argent. Cela donne lieu à une comédie légère avec quelques scènes rigolotes, comme lorsque l'un d'eux s'incruste à des funérailles en jouant le cousin distant en larmes ...que pour se servir au buffet.
La véritable star du film est le paysage. Une campagne coréenne des années 70 recouverte de neige est une chose que l'on voit rarement en images, et c'est magnifique. L'hiver crée une ambiance minimaliste, permettant de jolies compositions d'image, surtout ne serait-ce que pour faire contraster les vêtements d'un rouge éclatant de la protagoniste. C'est un roadtrip en cinémascope à la Ford/Hawks. On a l'embarras du choix pour les beaux plans. Des plans sont parfois entièrement silencieux pour de longs moments (la restauration actuelle du film étant pauvre, complète avec quelques secondes tirées d'une copie sous-titrée et encore beaucoup de bris, il s'agit de silences assez bruyants), ajoutant une atmosphère propice au film.
Ces silences viennent peut-être du fait qu'il s'agit en quelque sorte d'un film incomplet, le réalisateur étant mort pendant le montage. Et c'est peut-être de la que viennent les défauts du film. Le montage est parfois chaotique, avec des jump cuts, et même à une occasion un plan complètement raté (et pourtant plutôt inutile) est resté là, voyez l'ombre de l'équipe technique au sol, c'est quand même assez incroyable, une tache noire foncée fluo dans un film tout en blanc, comment est-ce possible:

Freiné par des problèmes de production, il s'agit quand même d'un film de bonne facture avec plusieurs excellentes scènes et des paysages magnifiques. Peut-être pas à la hauteur des grands classiques (trop bavard!) mais une bonne surprise pour une époque de mauvaise réputation.


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