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Cinématurnome s'intéresse au cinéma plus ou moins oublié (qui a donc 20 ans ou plus). On aime pas attribuer des notes ici alors pour faire joli il y a des lunes qui indiquent un facteur relatif d'obscurité, comme ça, pour rien.

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mardi 29 septembre 2015

깊은밤 갑자기



Un film de Go Yeong-nam
Corée du Sud, 1981
V.A. : Suddenly in Dark Night





Un jour, monsieur Kang revient d'un périple avec une surprise pour madame Kang et leur enfant : une nouvelle femme de ménage pour s'occuper de leur maison! Une maison à la décoration plus que douteuse, monsieur Kang a beau être biologiste mais cette obsession pour la taxidermie de moyenne qualité en tant que simple décoration de salon a un quelque chose d'inquiétant. Enfin je m'égare complètement déjà. Revenons à cette femme de ménage: d'où vient-elle? Pourquoi traîne t-elle une poupée un peu terrifiante qui ressemble à s'y méprendre à une vision de madame Kang? Pourquoi fait-elle autant les yeux doux à monsieur Kang?

Tout ça est inquiétant, trouve madame Kang, et les indices comme quoi quelque chose cloche semblent s'accumuler. Rapidement, il devient claire que cette poupée est venue pour semer la zizanie dans la demeure des Kangs, ou alors c'est la nouvelle femme de ménage qui fait tout, ou alors le mari est aussi dans le coup. Ou bien madame Kang devient folle?

C'est une histoire simple et peu originale mais au service de celle-ci se trouve une petite poignée d'effets spéciaux qui donnent un cachet particulier au film. Et par effets spéciaux, je veux dire "balance un truc devant la lentille de la caméra et regarde les effets bizarres que ça fait, c'est génial!" Ainsi on a plusieurs plans audacieux en kaléidoscope, qui signifient un point de vue en première personne teinté d’ambiguïté. Ces plans sont la signature de Suddenly in Dark Night, mais il ne faudrait pas oublier les autres trucs-machins placés devant la lentille de la caméra, j'ai une affection particulière pour la bouteille vue à travers le goulot.

La musique électronique, qui fait par moment davantage "invasion de minuscules martiens plutôt minions" que film d'horreur, est également un des plaisirs que l'on nous offre.





Presque tout le film joue sur la possible paranoïa de la protagoniste, offrant peu de frayeurs ou de scènes notables à travers son très lent crescendo. On aimerait que les choses aboutissent un peu plus rapidement qu'elles ne le font, et on a l'impression d'avoir longuement attendu le climax de 10 minutes, qui, peut-être, n'en valait pas tant la peine. Faute d'être particulièrement notable autrement que par son utilisation de quelques effets visuels et sonores très bas budget, le film saura surtout plaire aux fans insatiables du genre.

Go Yeong-nam est le réalisateur le plus prolifique de la Corée du Sud avec plus de 110 films à son nom. Il est sûr et certain que plusieurs d'entre eux sont perdus à tout jamais. Aussi étonnant que cela puisse être, des films sud-coréens aussi récents que les années 80 ont disparus. Ailleurs dans le monde, l'on arrête de parler de films perdus dès les années 30.  Malgré l'explosion en popularité du cinéma sud-coréen ces 15 dernières années, sa production durant le 20e siècle est largement inconnue des cinéphiles. Ce sur quoi la Korea Film Institute travaille.

Mon plan de 5 secondes préféré dans Suddenly in Dark Night: Le couple est dans leur lit et la caméra est tout simplement posée sur le matelas, ce qui fait qu'elle bouge au moindre geste des acteurs et donne une impression d'intimité assez réussie. Mais ça dure 5 secondes et ça n'a pas l'air volontaire. Hum.





Visa de censure № X



Un film de Pierre Clémenti
France, 1967-1975








C'est peut-être juste moi, mais parfois j'ai envie d'un film qui serait l'image exacte de ce que je me fais d'une époque. Un film qui fait usage de tout les stéréotypes possibles, comme seule une oeuvre faite après l'époque, par nostalgie ou volonté de parodier, arrive à faire.

Un peu comme la musique faisant écho aux années 80 ces temps-ci sonne davantage années 80 que toute la musique faite alors. Mais je veux un film authentique de l'époque, comme pour me rassurer que la vision caricaturée que j'ai ne l'est pas tant que ça. Ou je sais pas. En tout cas j'en retire un certain plaisir.

Mais trop souvent, ce qui arrive est que la réalité est plus complexe que les images dans ma tête, et je me retrouve à visionner des films qui prennent des directions qui reflètent davantage les intérêts des auteurs que tout simplement être l'image d'une époque. Une bonne chose! Mais bon...

Heureusement donc que Visa de censure No X manque assez de personnalité pour me satisfaire dans cette envie très précise. Il s'agit un peu du film psychédélique ultime, n'existant que pour être le film psychédélique ultime, et n'accomplissant rien d'autre. L'oeuvre se contente de nous plonger dans un tourbillon de couleurs brillantes et de guitares acidulées sans rien raconter.






L'acteur Pierre Clémenti (qui a joué pour Luis Bunuel, Philippe Garrel, Jaques Rivette...) a combiné deux tournages différents où il a filmé ses copains (paraît-il que Johnny Hallyday se cache quelque part dans ce film?) et a ajouté de la musique quelques années plus tard. Celle-ci est signée Delired Cameleon Family, un groupe qui n'a existé que pour ce film et étant composé de quelques musiciens d'expérience, certains venant de groupes tels que Magma ou Gong. L'image comme le son change de rythme et de texture pendant toute la durée mais demeure principalement assez saturée.

Dans le déferlement d'images clichées (occulte, origines de l'homme, enfance, cannabis, guitares, l'oncle Sam, religion, et une bonne dose de nudité) montées à la manière du Dog Star Man de Brakhage mais avec une couche de superpositions supplémentaire, le moment le plus appréciable du film est peut-être le générique... qui apparaît presque à mi-chemin, dans une sorte de climax prémature.




الماخدؤون



Un film de Tewfik Saleh
Syrie, 1972
V.F. : Les dupes




Années 50. Trois palestiniens de générations différentes, issus de milieux différents, se retrouvent ensemble pour un même but : traverser la frontière de l'Iraq et se rendre au Koweït, dans l'espoir d'y trouver du travail et de meilleures conditions de vie. Pour s'y rendre, ils acceptent de passer cette frontière dans une brûlante citerne de métal, au beau milieu du désert.

Pas besoin de vous dire que ce n'est pas une très bonne idée, sinon que cela donne au spectateur du suspense et de jolis plans désertiques, ce qui m'avait attiré de prime abord, malgré une copie VHS de moindre qualité.

Les Dupes est réalisé par le réalisateur égyptien Tewfik Saleh sur un scénario basé sur l'oeuvre de l'écrivain palestinien Ghassan Kanafani. Fatigué des contraintes et de la censure dans le milieu cinématographique égyptien, Saleh propose son projet au gouvernement Syrien, dont l'office du film réalisait de temps à autre une fiction. La Syrie, intéressée par des histoires d'oppression des classes sociales, accepte. Tourné en Syrie et en Iraq, quelque chose de pan-arabique se trouve au coeur du projet.




L'histoire est coupée en deux. La première partie concerne l'histoire des trois protagonistes, à travers des flashbacks qui parfois s'entremêlent abruptement mais toujours efficacement et intéressante. La majorité des flashbacks arrivent lorsque chaque protagoniste est confronté à un même trafiquant-passeur irakien. Les trois se retrouvent finalement ensemble lorsqu'ils trouvent un trafiquant-passeur palestinien avec une citerne d'eau mais qui surtout charge moins cher.

Malgré un montage d'images d'archives tôt dans le film évoquant l'exode palestinienne de 1948 (et qui colle bien à l'esthétique documentaire du film), l'oeuvre demande une certaine connaissance du contexte pour s'y retrouver. Bien qu'en fait, le sujet ait quelque chose d'universel. L'oeuvre prend position sur la futilité de la fuite et le courage de la résistance, tout en étant compatissant de ses protagonistes.

La deuxième partie concerne le passage de la frontière vers le Koweït dans le camion-citerne. La narration devient plus linéaire, à l'exception de l'histoire du passeur qui est également présentée, et moins lourde, mais non moins intéressante. Dans l'horreur des événements se cache quelques belles images, comme ces larmes qui grésillent sur le métal de la citerne.





Cuadecuc, vampir



Un film de Pere Portabella
Espagne, 1971






Pour filmer Cuadecuc, vampir, le réalisateur Pere Portabella s'invite sur le plateau de tournage de Jesús Franco, en train de tourner Les Nuits de Dracula avec Christopher Lee. Il n'a rien d'autre avec lui qu'une caméra portable avec de la pellicule noir et blanc très contrastée. Et il n'a besoin de rien d'autre, puisqu'il filme les scènes jouées devant lui, acteurs costumes décors et éclairages gracieuseté Jesús Franco. C'est certainement une manière très économique de faire un film, et peut être considéré comme du vampirisme.


Deux films qui racontent la même histoire à partir du même plateau de tournage, pourtant il s'agit de deux films très différents. Franco tente d'imiter la série Dracula de Hammer Film Productions (c'est pourquoi Christopher Lee est là, jouant encore le célèbre comte de Transylvanie) tandis que l'approche plus avant-gardiste de Portabella renvoie davantage au monde éthéré de Vampyr de Carl Dreyer. Entièrement muet à l'exception de quelques étranges effets sonores et quelques musiques, l'on arrive tout de même à suivre l'action à l'écran par familiarité avec les nombreuses interprétations de l'oeuvre de Bram Stoker (il n'est pas nécessaire d'avoir vu le film de Franco) mais l'intérêt se situe moins dans la narration que dans l'étrange atmosphère du film, où l'on semble constamment nager dans un brouillard épais, incertain d'être témoin des méfaits de Dracula ou plutôt de visionner un making-of.







Mais ce n'est ni un film d'horreur ni un documentaire sur la réalisation d'un film d'horreur. Le réalisateur crée une suite d'effets déconcertants, par exemple en collant au montage un plan de Christopher Lee qui blague avec la caméra lors d'un moment crucial de l'histoire, quand Johnathan Harker est mordu par Dracula, ou encore en mettant l'emphase sur l'artifice de certains effets spéciaux de Franco. Ces constantes intrusions de la réalité constituent un des quelques procédés humoristiques (pour un film d'avant-garde qui demeure tout de même plutôt terrifiant, on s'entend) qui servent à briser l'univers de Franco. Et si l'on s'attarde un peu plus à l'oeuvre de Portabella, on réalise que l'univers horrifique de Franco auquel il s'en prend est plutôt celui de Francisco Franco, alors encore dictateur de l'Espagne. Umbracle, considéré comme un film compagnon à celui-ci (et mettant également en vedette Christopher Lee), est plus direct dans son propos politique, notamment en montrant une scène où des réalisateurs espagnols discutent ouvertement des problème de censure sous le régime. Mais Cuadecuc peut tout à fait s'apprécier pour le frisson d'être perdu dans un brouillard au milieu d'un univers inquiétant ponctué de dissonances.



mercredi 5 juin 2013

James Batman



Un film d'Artemio Marquez
Philippines, 1966





Dans les années 60, le cinéma des Philippines connaît une période très productive mais très commerciale, accrocheur et sans pudeur, qui va dériver à la fin des années 60 dans un softcore érotique nommé le cinéma Bomba. La culture de la jeunesse du pays, très occidentalisée, incite les studios de cinéma à créer des suites illégitimes ou des plagiats de la pop américaine et britannique. C'est un phénomène qui s'est produit un peu partout dans le monde, l'exemple Turc étant bien connu des spécialistes du navet, mais cette production des Philippines reste encore obscure. Il y a eu entre autre plusieurs films de James Bond ainsi qu'une série de films inspirés du Batman de la télévision. James Batman réuni ces deux icônes dans un même film.

L'organisation CLAW, dirigée vraisemblablement par un cousin de Fu Man Chu, complet avec le pouvoir de tirer des éclairs du bout de ses doigts, lance un ultimatum de 5 jours à une union de pays asiatiques et européens de se soumettre à leur autorité sans quoi une bonne partie de la terre sera anéantie. Pour prouver son point, le cousin de Fu Man Chu présente à ces dirigeants un clip mélangeant des archives de vieux tests nucléaires et des archives d'un petit débordement de rivière, ce qui terrifie complètement tout le monde. Le danger de l'organisation CLAW est tellement grand et jamais vu qu'il faut faire appel à James Bond ET Batman. C'est grave. Petit problème cependant : Nos deux héros ne s'aiment pas beaucoup...

James Bond et Batman sont joués par Dolphy, un acteur comique très célèbre alors. Les choses se compliquent par contre : l'identité secrète de Batman n'est plus Bruce Wayne ici mais ... Dolphy, qui joue donc son propre rôle quand Batman est sans déguisement. Beaucoup plus troublant cependant est Robin ; même sans son déguisement, les gens continuent de l’appeler Robin, comme si il était évident qu'il était le justicier masqué même sans déguisement, et que cela ne dérange personne.

On a également droit à deux des ennemis jurés de Batman, Joker et le Pingouin. Si ce dernier ressemble un peu à l'original, Joker est complètement transformé en punk à lunettes fumées qui a perdu une main, et qui tient dans l'autre un fusil gigantesque.





La présence de Dolphy fait qu'il s'agit d'une comédie. Le côté ridicule semble assumé, mais les sketchs comiques sont plutôt catastrophiques. Les dialogues sont mauvais, mais l'acteur s'en sort par son talent comique qui est réel, grâce à quelques petits détails qu'il ajoute dans son jeu, comme nettoyer ses mains sur la cape de Robin après avoir mangé. Heureusement, le film a davantage de scènes d'actions (le film en est presque saturé) ou dramatiques qui sont au final les véritables scènes comiques. Le bas budget, le scénario sans queue ni tête qu'on oublie quelque part au milieu du film, l'humour enfantin ont de quoi amuser. L'intérêt principal évidemment est de voir ces personnages bien connus parodiés de la sorte, mais finalement on en retire davantage.

Le film s'efforce d'être de bonne facture, avec des mouvements de caméra, des cadrages stylés - parfois à l'excès, je pense à une scène de combat où un vilain tombe visiblement par accident sur la caméra, ce qui manque de faire trébucher le caméraman - mais le montage de ces scènes est quasiment faite au hasard, en étirant des scènes inutiles un peu trop longtemps ou en coupant trop court ailleurs. Le combat final du film, ou entre autre s'oppose James Bond et le Pingouin dans un lieu très propice à un climax de film James Bond et complet avec le thème de Batman qui joue (avec un solo d'orgue déchaîné!) est... très long. Et malgré qu'il alterne entre trois combats simultanés, demeure plat. Mais heureusement rien dans ce film dépasse la barre qui mène à l'ennui, et les quelques moments de vide durent juste assez longtemps pour qu'on se demande, mais qu'est-ce que je suis en train de regarder? ...Un épisode très très étrange du vieux Batman, peut-être, et encore.




Une petite note à propos du film suivant celui-ci dans la série des Batman des Philippines. Batman Fights Dracula (1967) était le premier en couleur de la série, tourné dans un autre studio avec une équipe et des acteurs complètement différents. Malheureusement le film est aujourd'hui considéré perdu, un rappel que les films disparus ne se limite pas qu'au cinéma muet et les premiers films parlants. James Batman quant à lui a survécu, mais en très mauvais état.


vendredi 31 mai 2013

Человек уходит за
птицами



Un film d'Ali Khamraev
Ouzbékistan, 1975
V.F. : L'homme suit les oiseaux




Quand j'ai croisé par hasard ce film, j'ai tout d’abord été saisi par les quelques images que je trouvais sur le net. Beaucoup de paysages variés, à travers les quatres saisons, toujours en nature. Il y a aussi cette espèce d'esthétique soignée qui me fait dire, ben oui, c'est un film soviétique, tantôt on dirait du Paradjanov, tantôt du Tarkvoski... Bon ben il faut que je vois ça.

Et donc il s'agit d'une histoire du passage de l'enfance à l'âge adulte, mais dans l'Ouzbékistan médiéval. Ça suffit pour être déjà intéressant non?

Farouk est un adolescent qui n'a pas grand chose pour lui, étant détesté dans son village, principalement parce que son père, sa seule famille, est un ivrogne fini. Avec son seul ami, un orphelin, ils partent en nature, loin du monde cruel qui ne souhaite rien d'eux. Un autre personnage se joint à eux, et le film prend des allures de road trip. Mais le rythme ici est beaucoup plus lent et éclaté, se structurant sur un poème prononcé au début du film et des paroles prononcées à la toute fin. Le poème parle du renouveau du printemps, et le film se structure autour du changement des saisons.

L'influence du cinéma artistique soviétique rend la trame de cette histoire plus mystérieuse encore, alternant entre des scènes contemplatives, parfois hors du récit et purement symboliques et des scènes du quotidien. Pour renforcer l'esthétique, la bande-son alterne entre des pièces de style baroque, de l'électro-acoustique et de la musique traditionnelle ouzbek. L'électro-acoustique détonne un peu parfois mais le reste est cohésif.




Cependant si je parlais de Tarkovski ou de Paradjanov plus tôt, ce film-ci m'a semblé beaucoup moins profond et complexe dans sa thématique que leurs films. On ne cherche pas de film épique ici, au coeur de la chose se cache un film dramatique centré sur un personnage qui doit apprendre à prendre les mauvais coups et vouloir se combattre, la vie est un combat tout ça. Nos personnages quittent la société cruelle et vilaine pour aller vivre en marge, et vivent dans un équilibre de hauts et de bas apportés par les saisons. Ils sont romantiques et naïfs et adolescents.

Mais la légèreté n'est pas un défaut, et cela permet à l'aura mystérieuse de l’Ouzbékistan médiéval vu à travers le cinéma d'art soviétique de prendre toute sa place. C'est un film qui peut se regarder de nouveau pour se perdre dans son univers, ses longues scènes, ses décors (et pas seulement naturels, il y a de jolies ruines et quelques scènes de village). Parfois l'esthétique exagère, avec quelques flashbacks mélodramatiques (appropriés pour un adolescent, je suppose, même si cela concerne sa naissance) et un tantinet trop de prises au ralenti. C'est joli le ralenti mais quand c'est souvent et gratuit, c'est un peu long. On pourrait reprocher le jeu d'acteur par moments aussi, qui n'est absolument pas aidé par la post-synchronisation intégrale des voix, créant quelques moments de personnages qui parlent bien normalement en pleine course. Aussi le bruitage des pas dans la neige est agaçant. Mais bon là je chipote.

J'en ressors avec le même avis que j'avais du film avant de le voir. Mais en mouvement, c'est encore plus beau.



lundi 27 mai 2013

秀子の車掌さん





Un film de Mikio Naruse
Japon, 1941
V.F. : Hideko, receveuse d'autobus




Qu'est-ce qu'un receveur d'autobus? C'est quelqu'un qui t'accueille en entrant dans l'autobus, s'occupe des billets, surveille les passagers, pendant que le chauffeur s'occupe uniquement de la route. Un peu comme ces employés qui restent plantés à l'entrée des magasins pour dire bonjour. Hideko Takamine (qui prête donc son nom au protagoniste du film) occupe donc dans ce film un métier bien disparu de nos jours. Mais pire encore, elle est receveuse d'autobus pour une compagnie de transport qui n'a plus le vent dans les voiles, utilisant un bus dans un état lamentable et qui n'accueille plus que quelques passagers qui profitent du vide pour s'en servir de camion de transport ou d'autobus scolaire.

Heureusement, Hideko est une optimiste, souriante et entreprenante. Elle teinte le film d'une légèreté, accompagnée d'un soleil radieux que les gens combattent avec des limonades glacées. On a en fait plutôt l'impression de regarder une comédie légère de Hiroshi Shimizu (et il serait dur de ne pas penser à Arigatô-san (1936) un autre film léger d'autobus, mais qui s'apparente plus à un film road trip) qu'un film de Mikio Naruse. Le réalisateur est davantage connu pour ses films plus mélodramatiques (pour le peu qu'il est connu, ses films n'ont jamais été de gros vendeur par ici et sont disponibles hors du Japon qu'en trois coffrets ; deux au Royaume-Uni chez Masters of Cinema et British Film Institute, qui sont ses films essentiels, et un coffret de ses premiers films chez Criterion aux États-Unis, Collection Eclipse).



Entre les moments cocasses du film Hideko montre son enthousiasme à moderniser son autobus et avec son chauffeur réussi à obtenir l'aide d'un écrivain dans sa quête. Le charme du film est dans cet aspect si tranche-de-vie, ou tout conflit face à la quête est banalisé. Leur patron est un escroc, mais sa bonhomie et sa passion pour les limonades glacées en fait un personnage sympathique. Un accident de route se révèle banal, les blessures un rien. Les rumeurs que la compagnie est au point de la faillite? Le film ne tourne même pas en un scénario du style "sauvons l'entreprise du coin". Tout est si calme, posé, drôle et souriant, grâce à Hideko, que la tragédie sous-entendue est banalisée et rend la fin si poignante. C'est un film qui termine sur un sourire et des gens heureux, mais Mikio Naruse nous en laisse savoir davantage que nos protagonistes, et le moment où le générique de fin joue est poignant. Sans compter qu'on est en 1941 au Japon, tiens.

Le soleil, la légèreté du film? Le film rejoue dans notre tête après qu'il ait terminé, et ce qui avait été si banalisé pendant le visionnement prend de l'ampleur et nous fait tout voir sous un autre angle. On se retrouve comme les protagonistes.

Ce sera la première collaboration du réalisateur avec celle qui deviendra son actrice fétiche, mais aussi son dernier film d'avant-guerre.